Rez
Dans la série des jeux ’ovnis’, Rez se pose bien là comme un des challengers de l’époque. En 2001, ce n’est pas tous les jours que l’on croise de la 3D fil de fer, un shoot’em up, et de la musique techno réunis en un seul jeu (le seul à ma connaissance était Tempest 2000 sur Jaguar). Quand on sait que c’est l’une des meilleure équipes de Sega (UGA) qui est à la tête de ce petit bijou, l’on ne peut que retenir son souffle. Le pire (ou plutôt le meilleur), c’est que Rez est même arrivé en France alors que la Dreamcast continuait sa chute interminable…
Rez, le vilain petit canard
Mélange entre une œuvre d’art moderne et jeu de scoring, les concepteurs ont construit Rez comme une expérience vidéoludique à part entière et bien loin des concepts habituels. Que ce soit au niveau visuel, sonore, ou même au niveau du toucher, le jeu vous transporte là où aucun jeu n’avait tâté le terrain auparavant. L’histoire se passe dans un réseau informatique ou un virus (en l’occurrence, vous) doit explorer et détruire divers protections et firewalls afin de délivrer une mystérieuse femme nommée Eden, enfermée dans le système.
Vous y dirigez une forme filaire évolutive au travers 5 niveaux pré-calculés ou la précision de tir est de mise. Conçu comme un shooter sur rail, vous disposez d’un viseur qui vous permet de locker jusqu’à 8 cibles différentes à la manière d’un Panzer Dragoon. Rapidité, réactivité et habileté sont vos meilleurs amis dans l’univers de Rez. La richesse visuelle et musicale est si éblouissante que vos sens sont mis a rude épreuve. Si cela parait simple au premier contact, il en est tout autrement dans la pratique. Il y a franchement de quoi déstabiliser plus d’un joueur devant tant d’animations et d’effets psychédéliques. Plus besoin de prendre de la drogue, Rez est un excellent palliatif.
Mais c’est au niveau sonore que le jeu prend toute son ampleur. Chaque niveau est décomposé en 10 phases respectives qui représentent toutes une piste audio. Le début de chaque niveau est composé d’un simple ’beat’ sur lequel viendront se greffer de plus en plus d’instruments en fonction de votre évolution pour finir sur une musique complète lors de la séquence finale. Non seulement vous jouez, mais vous interagissez avec les sons (chaque ennemi détruit laissera entendre un sample différent). Ajoutez à cela des vibrations dans votre manette qui suivent le rythme effréné des compositions, et vous vous retrouvez rapidement en transe a ne plus pouvoir lâcher votre paddle…
Pour ne rien gâcher, si vous aimez la techno, vous serez heureux de savoir que les compositeurs sont parmi les plus prestigieux de la scène. Jugez plutôt : Ken Ishii, Joujouka, Coldcut, et bien d’autres sont au rendez-vous. Ces artistes ont particulièrement bien réalisé leur travail en sélectionnant chaque son du jeu à intégrer dans leurs composition de base. C’est un véritable plaisir pour les oreilles si vous aimez le style.
L’action est intense, les boss sont tout simplement impressionnants malgré une modélisation fil de fer/3D faces-pleines qui pourrait paraître vieillotte au premier abord mais reste finalement intemporelle au fil des années qui passent. Même la difficulté s’adapte en fonction de votre score. Ainsi, chaque partie commencée n’est jamais vraiment la même.
Techniquement, le moteur 3D est plutôt correct malgré quelques ralentissements sur le niveau 2 (le mode 60 hertz est indispensable car le 50hz fera des merveilles au niveau scintillements). L’on peux noter également quelques sauts dans la musique lors de l’enchainement entre un niveau et un boss final, mais c’est déjà un bel exploit d’avoir réussi à tout synchroniser de la sorte.
Pour ne rien gâcher, le mode « beyond » vous ouvrira ses portes si vous terminez le jeu. Dans ce dernier, vous pourrez débloquer un maximum d’options telles qu’un niveau supplémentaire, des changements d’ambiances au niveau des couleurs (ambiant, oldschool, psychedelic, etc…), de nouveaux angles de caméra ou encore différentes formes pour votre personnage (petit clin d’oeil à Space Channel 5 ou l’on peut jouer avec un Morolien).
Ajoutez à cela un mode score attack où vous devrez éclater les ranks en faisant un maximum d’enchaînements ainsi qu’un tutoriel pour vous familiariser au jeu. Et si vous n’êtes pas un pro de la gâchette, le mode « voyage » vous permettra de faire les 4 premiers niveaux à votre rythme puisque vous serez invincible.
Mention spéciale au 5ème niveau qui, en plus d’être magnifique, nous raconte l’histoire de la vie… Poétique, hypnotisant, Rez en rendra plus d’un accro. N’hésitez pas a mettre le son à fond et y jouer sur grand écran pour en apprécier toute la saveur. Une claque visuelle très moderne, de la techno plein les oreilles et un plaisir de jeu à la limite de l’orgasmique… Il y a encore des jeux comme Rez qui impriment leur marque dans l’histoire du jeu vidéo, et ça fait vraiment plaisir…
Inspirations
Ce voyage extraordinaire n’est pas sans rappeler 2 jeux majeurs du paysage vidéoludique. Le premier n’est autre que le remake du jeu d’arcade Tempest 2000 (Jaguar) développé par le talentueux Jeff Minter. Le second, beaucoup moins connu, s’intitule Alpha Waves (Amiga, Atari ST, PC). Il s’agit d’un jeu français édité par Infogrammes en 1990 et réalisé par Christophe de Dinechin. Alpha Waves est considéré comme le premier jeu de plateformes entièrement en 3D et son univers n’est pas sans rappeler le monde virtuel de Rez.
Bide commercial, mais objet de culte
Certainement trop audacieux pour le grand public, une adaptation sur Playstation 2 verra le jour la même année (à l’époque Sega commence à abandonner la Dreamcast et a se diversifier). Si elle est plus fluide au niveau du framerate, elle manque cruellement de finesse et l’aliasing est très présent. La presse, elle, parle de jeu « bizarre » sans queue ni tête… juste bon pour les fans d’arcade et de scoring sans en percevoir toutes les subtilités. Même des sites spécialisés comme Gamekult ne manquerons pas de passer à coté (lire le test de la honte ici). Le jeu restera cependant considéré par ses adeptes comme « culte » de par les sensations qu’il procure et l’expérience inédite qui s’en échappe a chaque partie.
Au Japon, le jeu est mieux accueilli que dans le reste du monde et un accessoire inédit viendra même compléter le titre : le Trance Vibrator (uniquement sur Playstation2). Il s’agit ni plus ni moins que d’un vibreur boosté relié en USB sur la console et qui se place sous votre périnée pour faire « vibrer » tout votre corps afin de mieux ressentir les pulsations musicales. La bande son aura même droit à une édition CD (malheureusement amputée de quelques parties. En effet, la musique du menu « pause » n’est pas présente, et la musique du niveau 5 n’est pas identique, probablement a cause d’un problème de droit sur un sample utilisé dans le jeu).
Le grand retour
En 2008, le jeu fait pourtant un retour inattendu sur Xbox 360 (Microsoft complète l’offre de sa console avec une pléthore de jeux incroyables tels que Radiant Silvergun, Ikaruga, Space Channel 5, Metal Slug, etc…). Baptisé Rez HD, le jeu devient plus beau, passe en haute définition, propose une qualité audio améliorée et même l’utilisation de 3 manettes Xbox 360 supplémentaires comme vibreurs. Malheureusement, le jeu ne sortira qu’en téléchargement et se dispensera d’une version boite.
Cette version était d’ailleurs censée être la dernière… Jusqu’à ce que Sony dévoile son casque de réalité virtuelle pour Playstation 4 et que le producteur Tetsuya Mizuguchi décide de l’adapter en VR. En 2016, Rez Infinite revient sur le devant de la scène et, cette fois, la presse est unanime. Les « spécialistes » comprennent enfin pourquoi Rez est devenu un jeu aussi populaire chez les retrogamers. Un nouveau niveau fait son apparition pour l’occasion et dispose d’effets visuels encore plus impressionnants. Malheureusement, tout comme sa suite spirituelle Child of Eden (2011), la musique du niveau Area X est bien loin de faire l’unanimité. L’ambiance techno résolument brute de la version originale laisse place a un titre plus Dance/Trance.
Une version identique arrivera peu de temps après sur Steam pour PC avec une définition 4K (elle aussi compatible VR). La encore, seule des versions téléchargeables du jeu seront disponibles.
Quelques curiosités
Un pack collector limité a seulement 500 exemplaires a vu le jour au Japon. Ce dernier contient un exemplaire du jeu sur Playstation 2, le Trance Vibrator, un t-shirt, ainsi qu’un casque vibrant de marque Tapex. Ce pack est aujourd’hui extrêmement rare et s’échange a plus de 1000$ dans sa version complète.
Le site http://www.iam8bits.com a proposé pour la sortie de Rez infinite une édition physique du jeu sur Playstation 4, une édition vinyle de la bande son (picture disc), ainsi qu’un magnifique ouvrage de 64 pages sous licence officielle. Pour la version PC, une cassette audio contenant un code de téléchargement Steam fut produite a 888 exemplaires.
Pour finir, une combinaison spéciale multi-sensorielle et entièrement recouverte de vibreurs fut réalisée pour jouer a Rez Infinite dans des conditions optimales. Malheureusement, celle-ci n’est pas disponible à la vente et uniquement proposée en démonstration lors de salons et évènements liés au jeu.