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Pippin : Apple entre dans la danse

En 1995, la célèbre firme à la pomme tenta, elle aussi, de se faire une place dans le milieu du jeu vidéo. Bien avant l’iPhone et le succès qu’on lui connait, Apple sera passé par l’un de ses plus grands échecs commerciaux. Sur le papier, la console Pippin avait pourtant tout pour plaire ! Retour sur l’histoire improbable de cette console mystérieuse…

Un partenariat de choix

En 1993, Bandai décide qu’il est temps de s’affranchir des constructeurs de l’industrie du jeu vidéo. Le support CD-Rom devenant abordable et les microprocesseurs plus puissants, la société japonaise estime que le moment est venu pour elle de réaliser sa propre console de jeu. Bandai mandate alors ses laboratoires de R&D (recherche et développement) afin de travailler dans ce sens. Il en résulte 2 projets diamétralement opposés : les consoles Pippin et Playdia.

Bien décidée à inonder le marché asiatique, Bandai décide de lancer quasi-simultanément les 2 systèmes. La Playdia sera destinée aux enfants, tandis que le projet Pippin sera orienté adultes et hautes technologies.

Si la Playdia sera réalisée en interne car nécessitant peu de composants, Bandai pense que sa console Pippin se doit de posséder une architecture solide pour rivaliser avec ses futurs concurrentes. Curieusement, c’est Apple (alors en pleine perte de vitesse face au PC), qui sera approchée pour la conception de la machine.

Pour la société américaine, le projet Pippin pourrait bien être le concept salvateur qui permettrait de remettre les comptes à flot. La firme perd chaque jour du terrain dans le domaine de la micro informatique et il est grand temps de réagir. La société n’est plus que l’ombre d’elle même et perd des millions de dollars chaque année.

Pas le temps de tergiverser, la messe est dite : Apple se charge de la conception et de la fabrication, tandis que Bandai s’occupe du packaging, du marketing et de la distribution. Pour les deux sociétés, c’est de loin la meilleure solution car elle permet de réduire considérablement les coûts et d’obtenir un retour sur investissement plus rapide.

Une technologie de pointe

Devant cette perspective alléchante, le contrat d’une alliance américano-japonaise est donc validé. Toujours dans l’optique de réduire les coûts au maximum, la société Bandai demande a Apple de réaliser une version « console » de leur ordinateur Macintosh de l’époque (le Performa 200) tout en y ajoutant le support CD-Rom. En partant de ce principe, la tâche ne devait pas être trop longue à entreprendre puisqu’il ne s’agissait que d’un « reconditionnement ». Pourtant, lorsque le premier prototype fut présenté à une trentaine de développeurs en 1994, les critiques concernant son architecture furent légion. La console était trop peu puissante et fermée sur elle-même. Désireux de surfer sur la déferlante Doom, il était impensable pour eux de ne pas disposer d’un modem permettant de jouer a plusieurs a des titres similaires. Les deux sociétés écoutèrent attentivement les remarques des développeurs, et entamèrent alors une profonde refonte de la machine.

Mais a trop laisser les développeurs décider de ce qui « serait » bon pour eux en les laissant critiquer la Pippin d‘origine, la console pris alors une tournure étonnante : Il fut décidé que son processeur 68030 a 16Mhz soit remplacé par un monstre de puissance : le RISC Power PC 603 (66Mhz). Elle intégrerait également de nombreux ports d’extension, un système d’exploitation Mac OS intégré, ainsi qu’un modem.

La Pippin devint en l’espace de quelques mois une machine résolument high-tech, à la croisée entre un véritable ordinateur et une console de jeu. Son modem intégré permet même de surfer sur internet directement sur la TV (une petite révolution à l’époque). Mais ajouter autant de technologie dans une si petite machine implique forcement un revers économique.

Apple et Bandai main dans la main

Lorsque la console voit le jour en 1995 au Japon et aux Etats-Unis sous les noms de Pippin Atmark (JP) et Pippin @World (US), celle-ci coûte près de 50.0000 Yen (soit environ 600$). Certes, c’est bien moins que le prix d’un ordinateur personnel, mais bien plus qu’une console de jeu classique. De plus, afin de rendre la bécane plus polyvalente, les extensions telles que le lecteur de disquettes, cartes mémoires et autres accessoires indispensables sont à acheter séparément. Inutile de vous dire que seuls les plus fortunés et passionnés de nouvelles technologies en feront l’acquisition.

Outre son prix excessif, le faible catalogue de jeux de la Pippin est parmi l’un des plus mauvais toutes consoles confondues. L’on y retrouve beaucoup de jeux éducatifs, des jeux d’aventures a écrans fixes peu avenants, des jeux de plateau de type shogi et autres concepts destinés à faire découvrir des œuvres d’art sur sa TV. Pour résumer, il n’y a rien de bien savoureux à se mettre sous la dent pour les gamers. Le jugement de ces derniers sera donc sans appel : La Pippin est peut être technologiquement intéressante, mais totalement à la ramasse au niveau de ses logiciels.

Sur une production estimée de 100.000 machines au total (bien que d‘autres sources affirment que seulement 50.000 pièces furent produites), seules 42.000 trouverons preneur chez les distributeurs. Personne ne connaît le nombre exact de machines ayants vraiment atterris chez les particuliers. L’on  peut cependant supposer qu’il était bien en deçà des 42.000 unités commandées par les magasins, car la console n’apparaît que très rarement sur les sites d’enchères.

C’est en 1997, soit seulement 2 ans plus tard, que Bandai et Apple abdiquent face à la concurrence et décident de mettre fin a leur partenariat. La Pippin est définitivement enterrée.

Le plus difficile aujourd’hui étant, sans aucun doute, de trouver les jeux qui vont avec. Ces derniers peuvent allègrement dépasser les 400$ pièce, tant leur rareté en fait des pièces de collection de premier choix.

TRIVIA : Le nom de la Pippin provient de « Newtown Pippin », une pomme a cidre célèbre aux Etats-Unis. Cette appellation fut choisie pour faire le lien entre la marque Apple et la machine.

TRIVIA : La console n’est jamais arrivée jusqu’à nos frontières. Il est amusant de constater que Pippin se prononce « pipine ». On imagine alors mal les joueurs de l’hexagone parler de la « pipine » distribuée par Bandai (prononcé à la française, sous entendu érectile).

Et la Playdia dans tout cela ?

Même si la société japonaise n’a pas mis tout ses œufs dans le même panier, il est important de noter que l’autre console de Bandai, la Playdia (sortie un peu moins d‘un an avant la Pippin), ne s’en sort pas mieux. Distribuée uniquement au Japon, celle-ci arbore une coque de couleur bleu ainsi que des manettes sans fil afin de plaire au jeune public.

Malgré des jeux utilisant les nombreuses licences à succès de la firme (Sailormoon, Dragonball, Gundam, Ultraman, Hello Kitty, etc…), l’engouement du public pour cette petite machine frôle le zéro absolue. Une des principales raisons concerne les jeux, encore une fois, très médiocres.

Chose amusante, alors que la Playdia est destinée aux enfants, Bandai décide d’écouler les stocks restant en réalisant des jeux érotiques (après tout, papa a certainement aussi envie de s’amuser sur la Playdia en déshabillant de jeunes écolières). La console se voit donc doté d’une ludothèque « rose ». Cette nouvelle collection relança d’ailleurs les ventes de consoles, permettant ainsi à la société de faire quelques profits avant l’abandon pur et simple de sa machine.

Trivia : La Playdia et la Pippin ne sont pas les premières consoles de Bandai. Dans les années 70, la firme s’est engouffrée (comme de nombreuses autres sociétés) dans la mode du Pong. La version la plus aboutie de ces nombreux clones fut la Bandai Super Vision 8000 (elle fut leur première console a cartouches interchangeable). Sortie en 1979 au Japon, la machine ne connaîtra qu’un succès d’estime et seuls 7 jeux verront le jour.

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